Le début d’année est propice aux « bonnes résolutions ».
Traduction : grandes déclarations d’intention de changer généralement peu suivies d’effet.
Des bonnes résolutions, j’en ai personnellement pris un paquet.
Bon, je crois qu’il y a en a eu beaucoup aussi parce que les mêmes sont revenues pendant des années et des années.
En fait, j’ai longtemps été champion du recyclage d’auto-promesses !
Si on les écoutait toutes, on pourrait croire que j’ai changé radicalement de vie plusieurs dizaines de fois.
Dans les faits, je dois avouer que c’est un peu plus nuancé…
Professionnel du changement annoncé
Ce qui m’a beaucoup rassuré, c’est que je n’étais pas le seul à tourner en boucle sans jamais prendre la tangente. Sans jamais oser franchir le pas vers l’inconnu.
Dans mon métier de consultant, j’ai rencontré de nombreux professionnels qui étaient, eux-aussi, des champions du changement annoncé mais jamais vécu : dirigeants, managers, cadres, entrepreneurs…
Mais ce qui était rassurant au début m’a rapidement agacé.
Les effets de manche, les jeux de communication et de prise de pouvoir qui caractérisent les résolutions de changement jamais transformées en actes m’ont vite lassé.
J’ai souvent été aux premières loges pour en voir les conséquences sur la perte de crédibilité du management et de motivation du personnel.
Je me suis alors intéressé à ce qui faisait que certaines organisations ou certaines personnes passaient à l’action tandis que d’autres passaient leur temps à l’annoncer.
Les chamboule-tout
Beaucoup de managers ou de responsables politiques s’appliquent à ignorer ou dénigrer ce qui a été fait avant eux. Comme pour mieux marquer leur territoire, une fois au pouvoir, ils veillent à changer radicalement de méthodes, voire à faire l’inverse de ce que leurs prédécesseurs ont tenté de mettre en place.
Dans la plupart des cas, ils ne restent pas suffisamment longtemps à leur poste pour qu’on puisse mesurer les effets de leur stratégie.
Ils ont l’habitude de s’attaquer davantage aux symptômes qu’aux véritables causes des dysfonctionnements (que tout le monde connaît par ailleurs).
Par conséquent, ce qui aurait pu changer grâce à leur action a tendance à prendre de l’ampleur et à s’aggraver après leur passage.
Conserver son identité
Pour moi, les leaders agissent différemment.
Eux-aussi sont là pour créer un nouvel ordre des choses. Cependant, tout en se focalisent sur la nouveauté, les leaders agissent également comme des guides de ce qu’ils ont l’intention de sauvegarder.
L’américain Yvon Chouinard est de ceux-là. Il est le fondateur de Patagonia, le célèbre fabricant de vêtements et accessoires dédiés à la pratique des sports d’eau et de montagne.
D’origine québécoise, Yvon Chouinard réinvente régulièrement son métier. Toujours à l’affût des nouvelles technologies susceptibles de rendre ses produits encore plus performants, il ne perd jamais de vue son objectif : préserver la nature.
Son entreprise reverse ainsi 1% de son chiffre d’affaires à des associations écologistes et utilise du coton 100% biologique sur tous ses produits en coton depuis…1996 !
En 40 ans, Patagonia est devenue une entreprise de 3 600 salariés présente sur 4 continents. Pour autant, Yvon Chouinard a préservé son mode de vie initial, proche de la nature.
Il a tellement préservé sa relation à la nature qu’elle est devenue l’ADN de son entreprise. Comme Steve Jobs, Yvon Chouinard parle d’abord de la raison d’être de son entreprise avant de présenter ses produits.
C’est aussi parce qu’il tient absolument à garder l’esprit dans lequel il a démarré son activité que ses équipes acceptent la dynamique de changement qu’il initie.
La transformation par la conservation
Paradoxalement, je crois que les leaders du changement ont tous intérêt à se poser la question : « Que voulons-nous conserver pour changer ? »
Le changement provoque naturellement une certaine peur en chacun de nous : peur de l’inconnu, de l’échec, de ne pas être indispensable dans le nouvel ordre des choses.
Lorsque nous sommes obsédés uniquement par ce qui doit être changé, et pas par ce que nous voulons garder, nous confortons nos craintes.
Peter Senge
Cependant, lorsque nous définissons ce que nous souhaitons conserver de notre identité, de notre relation à la vie, au travail, aux autres…, une partie de ces peurs peut disparaître.
En nous focalisant sur ce qui nous est cher et que l’on souhaite préserver, on accepte plus facilement ce qui doit changer. Et si on est convaincu que ce qui va changer permet justement de préserver l’essentiel, alors on devient un véritable acteur du changement.
« Qu’est-ce que je souhaite conserver ? »
C’est la question que je veux me poser à chaque opportunité de changement.
Conserver pour changer, c’est ma bonne résolution pour cette nouvelle année.
Et vous ?
Un article rafraichissant en ce début d’année 2016, et si pragmatique !
Oui, nous sommes tellement focalisés sur le changement, que l’on en oublie souvent d’expliquer ce qui doit être gardé parce-que ça marche, ou ce qui doit être conservé comme colonne vertébrale dans ce que l’on aimerait améliorer.
Gardons nos valeurs, mais changeons la manière de les appréhender, de nous guider: n’en faisons pas un carcan qui peut nous couper des autres, mais un conseil pour nous en approcher.
J’aime beaucoup « Gardons nos valeurs mais changeons la manière de les appréhender », merci Patrick !